Abdel Mustapha

Abdel Mustapha

Valeurs et dépassement

Du Breaking dans le salon familial à la médaille olympique avec l’équipe de France, Abdel Mustapha retrace un parcours fait de transmission et de résilience. De quoi en inspirer plus d’un !

Figure incontournable du Breaking français, Abdel Mustapha incarne la transition d’un art de rue vers la reconnaissance institutionnelle. Une trajectoire marquée par la passion, les blessures, et une volonté de partage.

« J’ai découvert le breakdance vers 1996/1997, un peu par hasard, en tombant sur une cassette VHS que mes grands frères avaient laissée dans le salon. C’était une vidéo du mythique Battle of the Year en Allemagne. J’y ai vu pour la première fois des Bboys et Bgirls enchaîner des mouvements que je n’avais jamais vus ailleurs ».

Ce choc visuel devient un déclic. Il tente de reproduire les figures chez lui, avant de rejoindre une salle de sport. Très vite, Abdel Mustapha s’investit corps et âme. Il monte sur scène dès l’âge de 10 ans avec la compagnie 59760, puis cofonde le 59 Krew, groupe emblématique du Nord de la France. Sa carrière prend un tournant en 2008, lorsqu’il se lance en solo.

« J’ai été attiré par cette forme de compétition où l’on se retrouve seul contre son adversaire. Personne ne peut nous aider ou rattraper nos erreurs. Il faut faire face seul et gagner seul ».

Les battles s’enchaînent et Abdel devient un nom qui compte sur la scène internationale. Jusqu’à la blessure. En 2011, une opération du genou marque un coup d’arrêt brutal. Revenu trop vite sans suivi adapté, il rechute. Contraint de renoncer à la compétition, il rebondit en partageant son savoir.

« Je me suis toujours investi à fond dans cet art. Les piliers de la culture Hip-Hop résonnent profondément avec ce que j’ai reçu de mes parents, de ma culture marocaine, de mon quartier : entraide, respect, égalité, vivre ensemble».

Cette période marque le début d’un nouveau chapitre. Sollicité pour des workshops en France et à l’étranger, il découvre le plaisir de la transmission. Coach de jeunes espoirs comme Mathéo, consultant pour de grands événements, il s’impose aussi comme organisateur et coordinateur de projets.

En 2017, la Fédération Française de Danse (FFDanse) le repère. Avec l’entrée du Breaking aux Jeux Olympiques de la Jeunesse, elle lui confie une mission de sensibilisation et d’encadrement. À Buenos Aires, les résultats sont au rendez-vous : médaille d’argent pour Martin, cinquième place mondiale pour Carlota. Abdel est nommé Coordinateur Breaking. Il structure la discipline à l’échelle nationale, crée une équipe de France, un circuit fédéral et prépare l’avènement olympique.

En 2024, il devient Head coach de l’équipe de France pour les Jeux de Paris. À domicile, ses danseurs décrochent l’argent. Une consécration.

« Le breaking, c’est toute ma vie. Aujourd’hui, j’ai 37 ans et cela fait presque 30 ans que je suis plongé dans cet univers sans interruption. C’est ce qui m’a construit en tant qu’homme. Grâce à cette discipline, j’ai voyagé, noué des amitiés fortes, rencontré ma femme, et rendu fier mes parents ».

Aujourd’hui, Abdel veut transmettre. Avec sa femme et des amis, il fonde Blacklist, une structure née du besoin de mémoire et de reconnaissance. Il poursuit sa mission dans le sport, l’éducation, le social, et bien au-delà du Breaking : parkour, street-football, disciplines urbaines en tout genre.

« Je veux continuer à m’appuyer sur la culture Hip-Hop comme levier d’émancipation, de dialogue et d’impact positif. Il est essentiel de garder en tête d’où l’on vient, de rester fidèles aux valeurs qui nous ont construits. Ce travail de mémoire permet de construire un avenir plus juste et cohérent».