Brayki wou Bikher Mustapha El Kentaoui AKA B-Boy Lwahch

Brayki wou Bikher

Mustapha El Kentaoui AKA B-Boy Lwahch

« Le Breaker est comme un peintre qui exprime ses idées et ses émotions en couleurs — sauf que lui, le fait avec son corps »

Il est de ceux qui parlent peu mais agissent beaucoup. Présence marquante du Breaking marocain, Mustapha El Kentaoui l’a vu s’implanter au Maroc, l’a nourri de sa passion et continue aujourd’hui d’en semer les graines avec humilité. Derrière ce regard posé, on devine la force tranquille d’un mentor, toujours prêt à tendre la main et à encourager les talents. Entretien.

En quelle année as-tu commencé à t’intéresser au Breaking ?

Au début des années 90, plus précisément en 1991, j’ai vécu ma toute première expérience avec cette discipline. À l’époque, je m’intéressais surtout à la musique, jusqu’au jour où j’ai découvert la danse par hasard. Je me rendais souvent au parc Yasmine, en plein centre de Casablanca pour écouter les derniers tubes et c’est là qu’un groupe de jeunes a attiré mon attention avec une danse célèbre à l’époque : le smurf.

Ce n’est que quatre ans plus tard que le Breaking a réellement fait son entrée dans le pays, introduit par des jeunes issus de l’immigration marocaine en Europe, de France notamment. On les rencontrait pendant l’été à Casablanca, sur la place Nevada, et on apprenait d’eux les mouvements et techniques.

Nous allions aussi dans des cafés pour regarder des chaînes étrangères, comme MTV, afin de perfectionner notre style. Petit à petit, grâce à la pratique, nous avons gagné en maîtrise et en savoir-faire.

Le véritable départ du Breaking en tant que sport et art au Maroc s’est fait dans deux discothèques : l’une dans la vieille Médina de Casablanca, appelée La Cage (près du port) et l’autre au quartier 44. À partir de là, le phénomène s’est propagé dans tout le Maroc, notamment à Rabat, Marrakech, Mohammedia et Agadir, avec des rassemblements chaque samedi.

Qu’est-ce qui te passionne le plus dans le Breaking ?

Ce qui m’a tout de suite attiré au début, c’était l’harmonie entre la musique et les mouvements, et la façon artistique dont ils se mêlaient. Plus qu’un sport, c’était pour moi un exutoire, une manière de libérer mon énergie, surtout en pleine adolescence. Mon amour n’a fait que grandir avec le temps. Le Breaker est comme un peintre qui exprime ses idées et ses émotions en couleurs — sauf que lui, il le fait avec son corps. C’est une danse qui touche l’âme.

Comment t’investis pour la cause ?

En tant que Conseiller Technique Régional, mon rôle consiste à organiser des entraînements, des formations et des compétitions régionales en Breaking et Hip Hop dans la région de Casablanca, en particulier pour les jeunes et les enfants, car ils représentent la génération future. Ces actions sont menées sous la supervision de la Fédération Royale.

Concernant mon activité personnelle, en tant que membre de la première génération, je mets toujours mon humble know-how au service des passionnés de la discipline. Je me considère comme un coach, un guide, voire un encadrant pour la jeunesse actuelle.

Je suis également présent dans les salles d’entraînement, les festivals et événements, qu’ils soient locaux ou nationaux. Je m’assure de documenter ces activités en vidéo afin d’en garder une trace pour la mémoire collective.

Est-ce que les nouvelles générations de Breakers partagent le même état d’esprit que vous auparavant, est-ce qu’ils vous ressemblent et marchent sur vos pas ?

A notre époque les choses étaient assez complexes. Le Breaking était nouveau au Maroc et on ne connaissait pas ses techniques. On s’entraînait malgré tout, souvent dans la rue, sous la pluie, dans des conditions climatiques et sociales compliquées, sans soutien.

Comparé à nous, les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup plus de moyens à leur disposition : réseaux sociaux, tutoriels YouTube, compétitions locales, régionales et nationales… Ils peuvent apprendre de nouvelles techniques et échanger avec d’autres danseurs, ce que nous ne pouvions pas faire à l’époque.

Mais ce que les deux générations ont en commun, c’est l’amour profond de la danse. Cet amour pousse les pratiquants à faire toujours plus d’efforts, à répéter les mouvements des dizaines de fois, malgré les échecs, jusqu’à les maîtriser parfaitement.

Quel (s) conseil (s) aimerais-tu leur donner ?

Je leur dirais ceci : « Plus tu aimes quelque chose, plus cette chose t’aimera en retour» et aussi « Plus tu donnes, plus tu reçois».

Mon conseil aux B-Girls, dont le nombre reste faible, mais dont la présence est puissante, serait : « entraînez-vous en continu pour bien maîtriser les bases. Travaillez votre technique et participez aux compétitions, car cela vous permettra de découvrir vos faiblesses, mais aussi les forces de vos adversaires. Assistez aux événements et aux entraînements en tant que participantes ou spectatrices, cela vous aidera à rester à jour et à évoluer ».