Découvrir le funk à l’âge de 3 ans, s’engager plus tard dans la danse, la musique, l’enseignement, puis devenir l’un des instigateurs de la Fédération Nationale du Hip Hop Belge. Farès Boudidit ne fait pas les choses à moitié!  Récit d’un parcours comme on en voit peu…

Né à Bruxelles d’un père rifain et d’une mère originaire de Moulay Ali Chrif, Farès Boudidit est une sorte d’érudit de la culture urbaine. Initié très tôt aux grosses pointures de la chanson afro-américaine, il intègre adolescent un cercle congolais basé dans le quartier de Matonge en Ixelles. Là, le jeune homme issu d’une certaine bourgeoisie, fraye avec les enfants de diplomates. Ces derniers organisent des soirées mondaines à l’occasion desquelles il fait la connaissance des fils de Mobutu et même de James Brown. «C’était la fin des années 70 et les premiers discs de Hip Hop ont commencé à apparaître dans les bacs. Ils étaient mâtinés de notes disco pour toucher davantage de monde mais la transition était palpable, quelque chose venait de voir le jour».

Plutôt bon danseur Fares Boudidit cultive son talent et se voit évoluer au rythme d’une musique qui a tout pour lui plaire. «En 85 je me suis installé à Charleroi. Je devais entamer mes études. Sur place J’ai sympathisé avec deux marocains,  dont le niveau était vraiment excellent et nous nous sommes mis à nous entrainer ensemble». Deux ans plus tard, Il fonde Happiness System, son premier duo de danse.

Talent et sensibilité

La formation ne se contente pas juste de «performer» sur les pistes belges, elle développe son langage, une nomenclature de la pratique et s’avance jusqu’à innover avec des concepts qui lui sont propres. «Nous cherchions des informations sur cette culture que nous voulions endosser et en fin de compte nous avons apporté nos propres inputs. Cela nous a permis de nous classer 4ème lors du Championnat d’Europe à Anvers». Ce score marque un nouveau tournant pour Fares et son binôme. «Je me suis mis à donner des cours dans des salles de fitness réputées pendant mes études universitaires. C’était plutôt inédit vu que la danse urbaine se pratiquait dans la rue par les enfants d’immigrés congolais et marocains. À un moment donné cette jeunesse a commencé à se faire évincer». Une période qu’il qualifie de sombre en référence à la récupération du mouvement par l’establishment belge. Celui-ci a tenté d’effacer l’apport de ces adolescents. «Au lendemain de la chute du mur de Berlin, la Russie ne représentait plus une menace. Il fallait trouver un autre ennemi: l’immigration et ses symboles».  Autre point important, les USA sont un allié économique et militaire mais leur hégémonie culturelle n’est pas souhaitable encore moins si elle provient du ghetto. En mal de soutien, les aficionados se voient contraints de changer de cap. Fares, lui, s’obstine. A 22 ans il organise le Championnat de Belgique dans le but de professionnaliser les concernés. Son succès est boycotté par les «HipHopeurs main stream» soucieux de plaire au système. Deux faits divers vont pourtant changer la donne.

Une actualité à fort impact

Nous sommes en 1992 et Los Angeles est à feu et à sang suite au passage à tabac d’un afro-américain par des policiers blancs. Les émeutes qui s’en suivent reflètent l’indignation des citoyens face à un racisme meurtrier. Un événement similaire se produit à Bruxelles où une femme enceinte issue des minorités pauvres est battue par un policier devant un night club réservé à l’élite. Ça ne passe pas…

Décidant de calmer le jeu, l’Etat engage des fonds en faveur des jeunes. «Du jour au lendemain je me suis retrouvé au centre de l’attention en tant que meilleur organisateur d’événements urbains de Belgique. Peu de temps après, une base militaire américaine me convoque via un avocat de l’OTAN Europe pour mettre en place l’animation des 4 et 5 juillet de la même année. On me demande du Hip Hop, du Jazz, du Rock, un feu d’artifice et tout ce qui va avec». Surnommé Little Genious, le jeune homme donne un côté international à sa carrière et se retrouve à cumuler les fonctions dans le show business: Production musicale, direction artistique, animation TV, radio, comédie, cinéma et un disc «Mista French Lova» qui cartonne. Malgré quelques évolutions ici et là, le paysage audiovisuel belge n’est pas vraiment pro-maghrébin. «C’était douloureux, parce que ce pays devait beaucoup aux immigrés. Les meilleurs breakdanceurs étaient marocains. Idem en France». Confronté aux mentalités obtuses il commence à se produire lui-même et entame un master. Le jeune homme souhaite élargir ses horizons.

Il se tourne alors vers l’enseignement supérieur, la communication et… la création de forums économiques  à destination des ministres et entrepreneurs! Sa passion des danses urbaines reste néanmoins intacte, mieux elle se pare d’un côté cérébral. «Les fondateurs du Hip Hop belges ont été évincés, c’est notre mission aujourd’hui de leur rendre justice et de les sortir de l’ombre. Cela permettra en plus de redonner espoir et confiance aux jeunes». Avec un petit collectif, l’acteur associatif a pu convaincre le Ministre belge de la culture de s’investir davantage au nom du Hip Hop. Une Fédération est ainsi née avec à cœur de promouvoir les arts urbains et de rétablir la vérité sur une riche Histoire. Une Histoire prenant racine dans la diversité et ne pouvant continuer de souffrir les négligences des décennies passées… 

Tags:

No responses yet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *