Fondateur du Battle Pro, Zoubir Chhibi n’est plus vraiment à présenter. Tour à tour danseur puis organisateur d’évènements mondiaux, il a transitionné avec la maestria des grands. «Freeze» sur une carrière qui mérite notre attention.
C’est à Chelles, dans l’Est parisien que notre homme voit le jour et découvre 15 ans plus tard l’art du Breakdance. Effet de mode oblige, les jeunes de sa cité ne jurent que par ce mouvement venu des USA. Comme tout le monde il s’y essaie, mais est à mille lieux d’imaginer que ce passe-temps pratiqué après l’école va lui ouvrir les portes du succès. «C’était plus par mimétisme que je me suis mis à danser, cela dit ma vision des choses a changé lorsque j’ai découvert la philosophie qui allait avec. Le Breaking ce n’était pas que des figures acrobatiques sur fond de musique Hip Hop, c’était le dépassement de soi, un art novateur, des rencontres, un rapport humain égalitaire, l’affranchissement des barrières ».
Des messages forts dans lesquels il s’identifie parfaitement. Ce qui l’interpelle aussi c’est la nature évolutive de cette culture qui intègre plusieurs mouvances : le graffiti, le Djing, le Beatboxing, le Mcing, le stylisme ou encore la photographie. On est en plein dans les années 90 et la France commence à prendre son leadership en la matière. «Le niveau des danseurs Hip Hop et des artistes était tout simplement bluffant. Avec deux amis Franz et Adilson, nous avons décidé de créer un groupe baptisé Phase T. Tout s’est joué à partir de là. Notre trio s’est professionnalisé en menant des études en parallèle, condition sine qua non pour avoir l’aval de nos parents respectifs».
La gloire au rendez-vous
D’une année à l’autre, le groupe prend de la maturité et se met à intégrer des dizaines d’autres artistes en région parisienne. «Nous sommes devenus des professionnels du breaking et avons remporté de nombreux titres à l’international, seulement il fallait un manager à Phase T. Quelqu’un qui chapeauterait la formation et servirait de locomotive». Une responsabilité que Zoubir Chhibi choisit d’endosser dans l’intérêt collectif. Son cursus post Bac lui donne les outils nécessaires à son nouveau rôle. «Je savais que sans une véritable organisation, notre talent se perdrait». Ne pouvant être au four et au moulin à la fois, il se concentre exclusivement sur le développement de Phase T. «L’envie de créer Battle Pro et de le hisser au rang d’événement mondial m’est venue en début 2000. Aussitôt pensé, aussitôt lancé!».
Breakdance for all!
La compétition en question comprenait deux phases : des sélections à l’international pour repérer les meilleurs danseurs et ensuite une finale en France. «On a accueilli des gens en provenance de l’Asie, de la Russie, d’Afrique, de l’Amérique latine, de l’Europe centrale et j’en passe. Aujourd’hui Battle Pro dispose d’une belle notoriété dans le milieu. Il a sa propre identité, ses fans et il brasse chaque année quelques 5000 personnes dans les plus grandes salles françaises de spectacle (Zenith,Dôme,Théâtre National…). Le résultat valait largement les efforts déployés…». Fier de sa biculturalité, Zoubir Chhibi, n’a pas hésité à apporter sa contribution aux évènements de la Fédération. Ces ponctuels retours aux sources lui ont permis de juger du niveau des pratiquants.
«Le Maroc est une terre de talents. Je pourrais même m’avancer à dire que ses b-boys & b-girls sont les meilleurs du Continent. Si bon nombre d’entre eux ont dû s’expatrier pour avoir une chance de réussir, ils n’en demeurent pas moins des exemples forts pour la jeunesse». Et c’est au nom de cette jeunesse, qu’elle soit d’ici ou d’ailleurs, que Zoubir Chhibi a persévéré sur cette voie en organisant des battles de haut niveau entre ses deux pays : Le Red Bull Bc One Paris, l’Undisputed World Final à Marrakech, le Battle Marrakech du rire, Battle Of The Year Maroc (…). Plus spectaculaires les uns que les autres ces shows ont contribué à donner au Breaking français et marocain ses lettres de noblesses.
Convictions d’un puriste
Sa notoriété, Zoubir Chhibi la doit également à une réflexion authentique. Quand on l’interroge sur la présence du Breakdance aux JO de 2024, il n’est pas surpris. «Cette représentation est légitime, nous l’avons gagnée en électrisant les foules, en créant une synergie par delà les frontières. Le breakdance a beau être né dans les années 70, son impact sur la culture du 21ème siècle est indéniable. Nous y avons tous contribué et nous devons nous en montrer dignes quoiqu’il arrive». Un message sans équivoque à l’adresse de ceux qui tentent de «polir» voire d’uniformiser des codes uniques en leur genre…
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