Engagé en faveur des laissés-pour-compte, le Hip Hop a fini par connaître un avènement planétaire. Ce que beaucoup ignorent en revanche, c’est que cette musique née en plein cœur du Bronx doit une partie de sa rythmique au continent africain. Histoire d’un peuple.

Tout part de l’Afrique et finit nécessairement par y revenir. Berceau de l’humanité et terre de rythmes, elle a inspiré de nombreux styles musicaux au fil des siècles. Le Hip Hop n’y fait pas exception. Issu d’une longue lignée de sons afro-américains, il s’est très vite imposé comme le cri des ghettos New Yorkais face à un système sans merci. Mais derrière ces paroles engagées, décrivant la dure réalité de la communauté noire, on pouvait déceler une métrique des vers et des rythmes empruntés au continent mère.

«Le Hip Hop s’inscrit dans la culture ancestrale africaine par son flow. Il faut remonter très haut dans l’Histoire pour comprendre le phénomène. Qui dit Afrique, dit tradition orale avec ses modes de narration maitrisés par les griots. Le rôle de ces derniers était de perpétuer l’héritage culturel grâce au chant et à la poésie. Chez nous l’Histoire n’était pas consignée dans des livres, elle était chantée et récitée siècle après siècle. La diaspora noire a conservé ce patrimoine immatériel et lui a redonné un second souffle» explique Navaro Mbemba, chanteur et leader de NCY un groupe d’Afro-Jazz formé au Maroc en 2015.

Natif du Congo Brazzaville, l’artiste s’est toujours senti ému par les similitudes existantes. Elles sont les témoins d’un passé douloureux mais aussi d’un lègue culturel qui a su traverser les océans et les âges. «Je suis touché de voir que 600 ans après la déportation,  ces hommes et ces femmes ont pu garder quelque chose de leur culture. Que ce soit une manière de chanter, de déclamer des vers ou de danser».

 «Bon son ne saurait mentir»

De DJ Kool Herc à Afrika Bambaataa (les pionniers) en passant par Grand wizzard Theodore ou encore De La Soul, le souffle de l’Afrique est partout présent dans leurs œuvres et évènements: Block parties en plein air rappelant les cérémonies dansantes ouest africaines ; Clash rendant indirectement hommage aux joutes verbales des conteurs ancestraux, adoption de pseudonymes ethniques (…).  «Tout cela fait partie de notre ADN culturel. On peut être envoyé à l’autre bout du monde, y vivre et y mourir, mais la base sera toujours là, diffusée de génération en génération» affirme Déné Issébéré, chanteuse et compositrice malienne. Vivant entre son pays et la France, cette fille de poète s’est penchée sur la question en étudiant les rythmes du terroir. 

«Une fois je me suis retrouvée dans une cérémonie traditionnelle où un vieux chanteur peulh se produisait, on aurait dit du Rap. Je me suis tournée vers ma mère pour lui en faire la remarque et elle m’a répondu : Les jeunes d’aujourd’hui appellent ça du Rap, mais en fait c’est une forme de chants anciens bien de chez nous». Intriguée, l’artiste alors adolescente a commencé à s’intéresser aux ressemblances entre Hip Hop et mélodies africaines.  

«Quelques années plus tard, je regardais une émission sénégalaise et je suis de nouveau restée interloquée devant un chanteur senior qui rappait littéralement en wolof. Son débit était encore plus impressionnant que le premier. C’était juste extraordinaire! Je dirais qu’il y a eu un va-et-vient musical indéniable entre les deux continents et que ce retour aux sources des plus prolifiques a gravé en lettres d’or la production Hip Hop des années 70 à 80», précise-t-elle, en se référant au souhait des pères fondateurs de créer une synergie dans le Bronx de l’époque.

Les grands noms du Hip Hop, ont volontiers fusionné leurs musiques avec des sons découverts au cours de pérégrinations. Ces renvois à la culture africaine devenaient ainsi un moyen de booster la self-estime du public noir.

Fort est de constater que la symbiose est demeurée intacte. Issu du Jazz et de la Soul, le Hip Hop a donné naissance à de nouveaux beats, qui n’ont pas hésité à suivre une voie identique. «C’est le même peuple, la même souffrance et surtout la volonté de s’affranchir des mêmes choses. L’art est là pour le dire» conclut le leader de NCY Music group. Le dire et surtout rattacher ces populations à leur terre d’origine.

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